Le 13 juillet dernier se déroulait la 5e manche de la Coupe du Monde de DH aux Gets, en France. Un week-end magnifique pour le Team COMMENCAL VALLNORD DH qui a vu Amaury PIERRON remporter sa deuxième victoire de la saison. Mais au-delà du week-end, des paddocks à la ligne de départ, le Team a préparé cette manche bien en amont. Récit d’une Coupe du Monde avec Amaury PIERRON et Arthur QUET, ingénieur du Team.
Photos : Nicolas Brizin/Keno Derleyn/Thibault Sadargues
«Tu ne devrais pas enlever les premiers Tokens pour être plus sensible dans l’herbe ?» C’est l'une des questions auxquelles Amaury PIERRON, pilote du Team COMMENCAL VALLNORD DH et 3e au classement général de la Coupe du Monde, est invité à répondre à Arthur QUET, l’ingénieur principal du Team, lorsqu’il visionne les images de son premier run GoPro sur la piste des Gets. «Ça pourrait le faire, mais j’ai peur que le vélo soit trop pataud», Lui répond-il.
C’est donc dans leur paddock, des mécanos au Team Manager, que tous les membres du Team vont vivre et travailler en communauté afin de trouver les meilleurs réglages avant la grande finale de samedi. Car oui, les machines comme les pilotes sont aujourd’hui considérés comme de véritables Formule1 par leur Team. Le moindre petit détail à son importance. L’objectif étant évidemment d’être dans les meilleures dispositions possibles avant et pendant la course.
Et cette Coupe du Monde des Gets n’est pas anodine. Les pilotes évoluant à domicile, devant leur public. «Courir en France est un privilège pour nous. Il y a toujours une ambiance de folie, le public nous porte… On se doit de faire un grand résultat. Surtout après la déception de la semaine dernière à Vallnord», explique Amaury PIERRON.
Si le public voit la partie émergée de la vie du Team, soit les échauffements et les séances d’entraînement sur la piste, la préparation du staff et des pilotes débute elle bien en amont. «La piste n’a rien à voir avec celle de Vallnord la semaine passée. Elle est beaucoup plus rapide, et plus courte d’environ une minute. Si j’ai dû gérer mon effort à Vallnord, ici, ce sera à bloc du début à la fin. Même les plus petites erreurs coûteront très chers. Il va donc falloir l’appréhender du mieux possible et trouver les meilleurs réglages», raconte Amaury, avant qu’Arthur QUET n’ajoute : «Les réglages d’un vélo peuvent complètement changer d’une piste à l’autre. Tout dépend du dénivelé, des appuis, des trajectoires… Au final, la piste elle-même évolue beaucoup au fil des passages tout au long de la semaine. La géométrie du vélo, les réglages des suspensions, la position de l’amortisseur, la pression ou encore la gomme des pneus peuvent donc constamment évoluer!»
Dès le mercredi matin, la Coupe du Monde débute avec le traditionnel Track Walk. Les pilotes, le Team Manager et évidemment Arthur QUET passent la matinée à pied à analyser chaque centimètre de la piste. Après un premier débriefing avec l’ensemble du staff, Arthur déclare : «La piste est ultra rapide. On sait qu’elle risque de très vite s’abîmer. Les trajectoires vont beaucoup évoluer au cours de la semaine. Nous allons devoir effectuer plusieurs essais de réglages».
À ce niveau de compétition, chaque pilote du Team est logé à la même enseigne, Amaury en premier lieu. Chaque jour, il passe plusieurs minutes avec Arthur à discuter des moindres petits détails. Ici, on ne parle pas simplement du vélo ou de la piste, mais également de l’homme et de son état d’esprit. «J’échange énormément avec Arthur, tout au long de l’année. Lorsque l’on est en période de compétition, tous les jours. Nous avons une relation que l’on pourrait qualifier de fusionnelle. Il est très important pour moi. Non seulement au niveau mécanique et sportif, mais également sur le plan mental. Il y a beaucoup de partage, de confiance et d’échange entre nous. Bref, on discute de tout, même des détails les plus futiles, et ça a son effet», estime le pilote français.
Arthur y va de son mot : «Après avoir défini la stratégie du week-end avec Thibaut (RUFFIN, Team Manager), on doit trouver les réglages qui nous semblent les plus approprié avant les premiers entraînements. Le pilote doit obligatoirement se sentir bien sur son vélo. Il faut donc trouver le meilleur compromis entre confiance sur la machine, précision, choix des pneus, balance du vélo, géométrie etc…»
Selon lui, c’est ici que sa relation avec Amaury fait la différence. «Pour moi, c’est celui qui travaille le plus tout au long de la semaine, qui cherche toujours à modifier les plus petits détails entre chaque run qui sera le plus performant à la finale. Il faut donc constamment se parler, dès le premier jour. Il est nécessaire de se faire confiance, se dire les mots, qu’ils fassent mal ou non. Ce qui est bien avec Amaury, c’est que tout le monde fait son job. Notre relation permet une grande variété de choix de réglages et surtout plus de facilité. Il est flexible, compréhensif et toujours à l’écoute. Même lorsque les choix que l’on peut faire ne sont pas ceux qu’il aurait souhaités personnellement. Il ne roule jamais à l’acquis», détaille l’ingénieur.
La journée du jeudi est synonyme d’entraînements pour les pilotes. Ici, il est question de comprendre la piste. Quelles sont les meilleures trajectoires, les parties où l’on peut gagner ou perdre de la vitesse, a quel endroit la piste va-t-elle s’abîmer et forcément, quels sont les réglages les plus adéquats au fur et à mesure que les runs s’enchaînent ?
«Cette piste est tellement différente de ce que l’on a l’habitude de pratiquer, je ne sais pas si elle peut convenir à quelqu’un. Elle semble facile au premier abord, mais elle est très compliquée à gérer et à appréhender» déclare Amaury après ses 5 runs de la journée.
Entre chaque descente, il n’hésite pas à s’arrêter plusieurs minutes au stand pour trouver avec Arthur et son mécano les détails qui feront la différence le jour de la finale. «Après trois ou quatre descentes, les pilotes vont déjà très vite, même s’ils ne sont pas à fond. On sort donc les GoPro pour comparer au centimètre près les passages de chaque pilote. Sur cette piste, la différence se fait centième par centième, sur les plus petits détails» explique Arthur.
Il ajoute : «On s’est finalement rapidement rendu compte qu’il fallait monter le vélo avec un amortisseur à ressort. Sur ce type de piste, ça apporte un bien meilleur grip. Mais en général, il faut savoir mêler les calculs théoriques et les instincts des pilotes et des mécanos. C’est un travail qui demande de la patience, de la confiance et de la compréhension. Je me dois donc d’expliquer chacun de mes choix à Amaury pour qu’il roule dans les meilleures conditions et ne soit jamais surpris par ses réglages ».
Pour cette piste des Gets, la vie semble plus simple qu’à l’accoutumée pour notre pilote et son ingénieur. Quelques minutes avant son départ pour les séances de qualifications, Amaury avoue que le plus dur est fait. Les sensations sur le vélo sont excellentes : «Pour une piste rapide comme celle-ci, il est plus simple de trouver les bons réglages. Je me sens vraiment bien sur le vélo. Il est parfaitement posé et subi bien les tous les trous de la piste qui commence à être très défoncée. Maintenant, le travail me revient. C’est à moi de travailler pour être à 100% demain».
Assis sur sa chaise à comparer les runs GoPro d’Amaury et de Rémi THIRION, Arthur explique que son travail consiste également à analyser la partie physique et mentale des pilotes, et donc à optimiser leurs performances : «Je passe beaucoup de temps sur la piste à pied ou à vélo pour analyser son évolution. Maintenant que les principaux réglages sont trouvés, je vais passer la journée au bord de la piste à faire des observations : comment travaillent les vélos, l’état des composants, la fraîcheur physique des pilotes, quel est leur état d’esprit… Amaury a l’air particulièrement bien dans sa tête. J’ai l’impression qu’il est ultra motivé après la déception de la semaine passée».
Après avoir analysé le passage de Thibaut DAPRELA et de nombreux autres pilotes plus tôt dans la matinée, Arthur, Amaury et son mécano font le choix d’opter pour des réglages plutôt souples étant donné l’état de la piste. Des choix convaincants puisque Amaury obtient le meilleur temps des qualifications. Pour Arthur, tout est réuni pour que son poulain soit dans les meilleures conditions pour la finale : «Maintenant que tout est fixé, Amaury refait une dernière fois la piste à pied. Il se met dans sa bulle et envisage tous les scénarios possibles. La météo étant capricieuse, il doit être prêt quelles que soient les conditions». En effet, si la piste est particulièrement poussiéreuse samedi, la venue de la pluie pourrait contrecarrer les plans du Team. Aussi bien au niveau des choix techniques que de l’appréhension de la piste.
Pour Amaury, c’est un long travail de concentration et de travail qui l’attend avant la finale : «Je sais que le vélo fonctionne bien. Je suis en confiance lorsqu’il faut prendre de la vitesse et des risques. Finalement, cette piste me convient plutôt bien. Elle est rapide et je sais que je suis puissant. Ce soir, c’est à moi de me refaire la piste dans la tête millimètre par millimètre. Il me faut connaître chaque trajectoire par cœur pour être à 100% de mes capacités demain» révèle de manière déterminée le pilote.
Après les retours de Thibaut DAPRELA, (vainqueur chez les Juniors plus tôt dans la journée), sur l’état de la piste, quelques entraînements et un dernier débriefing avec l’ensemble du staff, Amaury est réglé comme une horloge, prêt à en découdre avec la piste. Les sensations ont été excellentes tout au long de la semaine et son meilleur temps lors des qualifications le place dans une confiance rarement atteinte. Le peaufinage des réglages est terminé, le choix des pneus est effectué. Les frères RUFFIN et Rémi THIRION partis avant lui donnent leurs derniers retours sur l’état de la piste avant le grand départ. Tout est là, il n’y a plus qu’à !
Finalement, Amaury PIERRON repousse les lois de la gravité et sort le run parfait devant un public français en folie. Une descente tout simplement impressionnante qui lui permet de s’imposer avec plus de deux secondes d’avance sur la deuxième place ! «J’étais à la limite ! Je savais que ma première partie était très bonne. J’ai juste essayé de faire le maximum sur le reste de la piste. J’étais vraiment proche de mes limites, je ne suis pas passé loin de chuter ! Nous avons tellement travaillé avec le staff. Le vélo était juste parfait et voir tous ces Français en folie c’était incroyable ! C’est certainement le plus beau moment de ma vie !» S’extasiait le pilote quelques minutes après le podium.
Plus calme, mais tout aussi heureux, Arthur QUET savoure lui aussi cette victoire : «Tout était parfait au niveau du vélo. Tout était là pour qu’il le fasse. Finalement, le plus gros travail, c’est lui qui l’a fait. Il a abattu un travail colossal toute la semaine pour atteindre ce niveau de performance. Cette confiance en lui et en son matériel lui a permis de repousser ses limites. C’est là que l’on reconnaît les meilleurs pilotes. Mais également les très bons staffs. Peut-être 15 minutes après le podium, malgré l’euphorie, nous nous sommes tous posés pour faire le point sur sa course et retenir l’essentiel avant les prochaines grosses échéances. Cette culture du travail et de la victoire, c’est l’essence même de notre sport, de la compétition».